Une deuxième salve de sondages commandée à la firme Léger par plusieurs associations liées à l’univers de la construction révèle que le coût élevé des matériaux commence à peser dans la décision d’effectuer ou non des travaux. Les problèmes d’approvisionnement semblent aussi plus généralisés ce printemps.

Comme avant les Fêtes, l’Association de la construction du Québec (ACQ), l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) et la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ) ont sondé les propriétaires résidentiels et les entrepreneurs en construction sur les travaux réalisés de décembre à mai 2021 et sur les intentions de rénovation au cours des prochains mois.

 

Volet « entrepreneurs »

Du questionnaire auquel ont répondu 751 dirigeants d’entreprises de construction entre le 26 avril et le 7 mai 2021, il ressort ce qui suit :

Les problèmes d’approvisionnement s’étendent à plusieurs catégories de matériaux et ne se limitent plus au bois d’œuvre.

Si les portes et fenêtres demeurent les produits subissant les plus grands retards d’approvisionnement (43 %), les entrepreneurs sont nombreux à appréhender des problèmes d’approvisionnement pour les six prochains mois avec les fermes de toit (37%), les poutrelles (36%) ainsi que les panneaux de gypse et les feuilles de contreplaqué ou d’aggloméré (33 %).

Le bois d’œuvre de toutes les dimensions ainsi que les articles de plomberie préoccupent également entre le quart et le tiers de tous les répondants. L’acier et l’aluminium semblent plus problématiques qu’il y a quelques mois pour un cinquième des répondants. À noter que dans l’actualité récente, les médias rapportent maintenant que le béton se fera plus rare, mais au moment du sondage, cet approvisionnement n’inquiétait que 14 % des entrepreneurs.

Quant aux coûts, sept entrepreneurs sur dix (68 %) disent avoir composé avec des hausses de coûts de plus de 20 %; lors du précédent sondage, la moitié des entrepreneurs disaient avoir composé avec de telles hausses. Parmi ceux-ci, trois sur cinq (60 %) disent maintenant devoir composer avec des hausses de coûts de plus de 25 %.

Toujours au sujet de l’approvisionnement en matériaux, depuis décembre 2020, les entrepreneurs ont affirmé, en majorité, n’avoir rien pu faire d’autre que subir les délais supplémentaires (71 %). Près de trois répondants sur cinq (57 %) disent avoir quant à eux renégocié leurs prix à la hausse avec leurs clients.

Cette année, les entrepreneurs ont été plus prévoyants en négociant des contrats d’approvisionnement. Quelque 21 % d’entre eux ont utilisé cette stratégie comparativement à 15 % en décembre 2020.

On observe que 5 % des entrepreneurs interrogés ont commandé d’avance ou ont préparé un inventaire comparativement à 2 % lors du dernier coup de sonde.

À la lumière des informations que les entrepreneurs détiennent, deux répondants sur cinq (42%) affirment que l’année 2021 sera aussi occupée en projets que l’année précédente (2020), et exactement la même proportion considère que l’année 2021 sera même plus occupée que 2020.

« Devant une telle situation, la prévoyance est de mise », recommande François Bernier, vice-président principal Affaires publiques à l’APCHQ, d’autant plus que le sondage indique aussi que 60 % des entrepreneurs interrogés se disent très occupés. « Il faut que les consommateurs et les entrepreneurs comprennent que cette situation peut engendrer des délais et limiter les options pour la prochaine saison. »

De son côté, l’ACQ est surprise de constater que la majorité des entrepreneurs disent avoir été en mesure de renégocier leurs prix à la hausse avec leurs clients. « Ce qui est encourageant, c’est qu’on remarque que certains consommateurs et donneurs d’ouvrage publics et privés ont fait preuve de diligence dans les circonstances. Cependant, il y a encore beaucoup de travail de sensibilisation à faire afin que tous les entrepreneurs puissent se prévaloir de clauses d’ajustement de prix et que ceux qui n’ont pas eu cette chance évitent de construire à perte », soutient Guillaume Houle, responsables des affaires publiques de l’ACQ.

Plusieurs entrepreneurs ont dû prendre des mesures en vue de tenter de pallier les augmentations de prix et la pénurie de matériaux, notamment en changeant de fournisseurs, en remplaçant des matériaux lorsque cela était possible ou en renégociant leurs contrats d’approvisionnement. « En plus des hausses de coûts, les consommateurs et les donneurs d’ouvrage doivent s’attendre inévitablement à des impacts lors de la livraison de leurs chantiers en raison de la pénurie de matériaux.  Pour certains entrepreneurs, la situation est critique au point de mettre en danger la santé financière de leurs entreprises », souligne Éric Côté, président-directeur général de la CEGQ.

 

Volet « consommateurs »

 

Du questionnaire auquel ont répondu 1 000 propriétaires du 20 au 28 avril 2021, il ressort ce qui suit :

 

Plus du tiers des répondants (37 %) a fait des travaux de modification ou d’amélioration à sa résidence principale et un peu moins de la moitié (48 %) y a fait des travaux de réparation ou d’entretien.

Parmi les propriétaires d’une résidence secondaire, un peu moins du quart (23 %) a fait des travaux de modification ou d’amélioration, alors que 25 % y a fait des travaux de réparation ou d’entretien.

Chez les propriétaires d’immeubles locatifs, un peu plus du quart (27 %) a fait des travaux de modification ou d’amélioration et le tiers (34 %) y a fait des travaux de réparation ou d’entretien.

Environ la moitié des travaux ont été confiés à des entrepreneurs, soit dans 48 % des cas pour les résidences principales et dans 51 % pour les immeubles locatifs dont ils sont propriétaires.

On note toutefois que 73 % des propriétaires d’une résidence secondaire ont entrepris eux-mêmes les travaux en 2021 comparativement à 68 % en 2020. L’écart s’explique peut-être par le temps récupéré en transport, libéré par le télétravail.

Tous types d’immeubles confondus, un peu plus de la moitié des propriétaires (55 %) ont fait des rénovations en tout genre. Il y a évidemment moins de propriétaires qui ont fait des travaux entre décembre 2020 et mai 2021 comparativement à la période entre mars 2020 et décembre 2020 (65%), puisqu’il est connu que l’activité de rénovation connaît un pic au retour du printemps.

Quant aux intentions des consommateurs pour les mois à venir, les deux tiers des propriétaires (65%) ont l’intention de faire des rénovations. En résumé, il y a plus de propriétaires qui ont l’intention de rénover d’ici à décembre 2021 que de propriétaires qui ont rénové entre décembre 2020 et mai 2021, ce qui est également dans l’ordre des choses en raison du caractère saisonnier de ces activités.

On note qu’un cinquième des sondés qui n’ont pas effectué de travaux invoquent le coût trop élevé des matériaux contre seulement 11 % des répondants en janvier 2021, ce qui amène le commentaire suivant de Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT: « On sent, dans le marché, que le consommateur hésite, se demandant si le bois et les autres matériaux vont revenir à des prix raisonnables. Il est à prévoir que la même incertitude habitera les décideurs de projets publics liés à la relance, déjà inquiets des délais inhabituels de livraison. »

Le manque d’argent a aussi été donné comme raison de ne pas rénover par 19 % des répondants contre 15 % quelques mois plus tôt.

Au cours des prochains mois, le personnel des rayons de peinture dans les quincailleries et centres de rénovation sera particulièrement occupé, car 36 % des propriétaires de résidences principales envisagent de reprendre le pinceau ainsi que 42 % des propriétaires de résidences secondaires et 31 % dans le cas des immeubles locatifs.