En collaboration avec Suzanne Lévesque, PhD, l’Institut de développement urbain du Québec présente sa réflexion Vers un pacte de développement pour la ville de demain.

Avec la fin de l’année arrivent les nouveaux budgets municipaux. Cette année ne fera pas exception : nous aurons une nouvelle démonstration du manque de ressources financières des villes. Pourtant, la pénurie de logements et la crise climatique cognent à notre porte avec vigueur et commandent de changer la recette.

On peut choisir de « continuer » comme avant et de laisser chaque palier de gouvernement insister pour le respect de son autonomie, chacun dans son coin.

Il y a un autre choix. Celui d’une gouverne transformée avec des dirigeants qui fixent des cibles communes, conviennent de moyens respectifs et s’obligent, chacun dans leurs sphères de responsabilités, à poser des actions prédéterminées. Bref, plutôt que de revendiquer les traditionnels transferts sans condition que Québec refusera au nom de l’imputabilité, les villes pourraient proposer l’adoption d’un programme de transferts encadré de conditions pour chacun des partenaires.

Notre organisme, l’Institut de développement urbain (IDU), a déjà proposé que Québec, appuyé d’Ottawa, adopte un programme de transfert municipal en quatre volets : habitation inclusive; transport collectif; requalification foncière et aménagement urbain. Ces transferts ne seraient pas sans condition.

Nous avons plaidé l’importance de doubler la cadence de production de nouvelles unités de logement pour viser l’abordabilité en 2030 comme le requiert la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Dès maintenant, Québec devrait établir des cibles de logements sociaux et abordables à construire avec un financement en conséquence. Les villes auraient à identifier les secteurs susceptibles d’accueillir les nouvelles unités publiques et privées, à planifier les services d’infrastructures nécessaires, à maximiser le nombre d’unités autorisé et à accélérer la délivrance des permis.

Aujourd’hui, il ne suffit pas de fixer les cibles de logements à construire, il faut prévoir de les réaliser sans étalement urbain et en diminuant les besoins en déplacement. C’est pourquoi nous avons aussi demandé à Québec de rehausser le financement réservé au transport collectif en réduisant la proportion consacrée aux routes.

En échange de cet ajout financier nécessaire pour l’apparition de quartiers de proximité, les villes s’obligeraient, de leur côté, à veiller à la densification et à la mixité d’usage aux abords de ces réseaux de transports.

Pour réussir cet incontournable défi de développer la ville sur la ville, les autorités municipales doivent pouvoir offrir les infrastructures nécessaires et diminuer le poids de la décontamination des secteurs à développer. Dans l’état actuel des finances municipales, elles n’en sont pas capables.

Prenons le cas des terrains de l’Hippodrome de Montréal. Voilà un secteur prioritaire à densifier, mais paralysé en raison de l’incapacité financière de construire les infrastructures municipales essentielles. Pensons à l’est de Montréal. Un grand nombre de terrains s’offrent à la requalification foncière, ce qui réduirait la pression à l’étalement urbain, mais les coffres municipaux ne peuvent supporter les coûts de décontamination, des services d’eau et du transport structurant à implanter. Sans ressources, les villes ne peuvent financer les travaux d’aménagement urbain ni de requalification foncière nécessaires aux quartiers de l’avenir.

Comment faciliter les développements urbains qui répondraient aux besoins de logements dans un contexte climatique où on veut réduire les déplacements?

Un pacte de développement

C’est avec cette question en tête que l’IDU a confié un mandat d’étude pour analyser ce qui se fait ailleurs afin d’inspirer nos gouvernants. Vous pouvez lire cette étude ici.

Le rapport identifie plusieurs sources de financement permettant de soutenir l’aménagement et la requalification. Les moyens peuvent être différents, mais, généralement, on adopte une approche par secteur. Et pour chacun, on convient d’un cadre de financement regroupant divers éléments. En vue de financer les services publics au-delà de ceux payés par le privé, les instances publiques devraient convenir du plan de développement de chaque secteur, établir la valeur foncière en découlant et s’obliger aux actions à mener pour le réaliser selon un contrat de rendement sur l’investissement.

Pour constituer ce cadre, il convient d’imaginer une contribution fédérale qui pourrait venir de la Banque de l’infrastructure du Canada, comme elle l’a déjà fait à Richmond, en Colombie-Britannique. On pourrait aussi offrir aux villes la capacité d’émettre des obligations favorisées par un crédit d’impôt. Enfin, Québec pourrait proposer qu’une partie de son aide prenne la forme d’un prêt remboursable à même une proportion des nouvelles taxes foncières provenant de la réalisation des projets.

Ce type d’approche innovante entre nos décideurs publics permettrait d’atteindre l’objectif commun de réduction de l’utilisation de la voiture en créant des milieux de vie pour tous, tout en leur offrant un rendement sur l’investissement. À commencer par la ville, qui profiterait d’une assiette foncière élargie qui augmenterait ses revenus sans avoir à hausser les taux de taxes.

De son côté, la Banque de l’infrastructure du Canada aurait droit aux rendements convenus tout comme les bénéficiaires des obligations. Québec bénéficierait du retour sur son investissement selon les clauses convenues au pacte.

En résumé, avec des transferts conditionnels pour l’habitation inclusive et le transport collectif et un tel pacte de développement pour soutenir les initiatives de requalification foncière et d’aménagement urbain, les dirigeants seront en mesure de répondre au défi de l’abordabilité du logement dans un contexte climatique.

La seule façon d’imaginer une réponse cohérente aux crises que nous avons devant nous est de sortir du chacun pour soi gouvernemental. Nos décideurs publics ont le pouvoir de convenir des conditions auxquelles ils accepteraient de s’astreindre. Pour relever le défi climatique et construire des milieux de vie durables et inclusifs, il est temps de changer la recette.

Jean-Marc Fournier, Président-directeur général de l’IDU

 

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