« Des centaines de millions de dollars de plus, sans aucune garantie d’amélioration de la santé et sécurité du travail », dénoncent les associations patronales du secteur de la construction.

Actuellement à l’étude en commission parlementaire, le projet de loi 59, sous sa forme actuelle, est loin de plaire aux entrepreneurs en construction. En effet, l’Association de la construction du Québec (ACQ), l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ)l’Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)l’Association québécoise des entrepreneurs en infrastructures (AQEI)l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) et la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ), évaluent à plusieurs centaines de millions de dollars par année les investissements qui seront nécessaires à la mise en place des différents articles du projet de loi no 59, sans même avoir une garantie que le nombre d’accidents diminuera sur les chantiers de construction au Québec.

Des projets qui coûteront plus cher et qui seront plus difficiles à gérer

Les associations patronales croient que le gouvernement a sous-estimé les coûts reliés, entre autres, à l’implantation du Représentant à la santé et sécurité (RSS).

« Nous estimons qu’un RSS coûte en moyenne 125 000 $ par année. Si nous prenons les chantiers qui auraient été visés par cette mesure en 2018, ce sont près de 240 millions de dollars supplémentaires qui auraient dû être investis pour la réalisation de ces mêmes projets. Sur 10 ans, on parle de près de 1,8 milliard de dollars de plus que le gouvernement devra investir pour réaliser les maisons des aînées, les écoles, les routes et tous les autres projets inscrits au plan québécois des infrastructures », s’étonne Éric Côté, président-directeur général de la CEGQ.

Alors que les RSS devront être nommés par les travailleurs à partir du moment où il y aura 10 travailleurs ou plus sur un lieu de travail, les associations patronales craignent que cette mesure ne soit pas applicable sur les chantiers de construction où le va-et-vient des travailleurs est monnaie courante.

« On ne peut pas appliquer cette loi telle quelle sur nos chantiers de construction. Imaginez, il y a des semaines où passent de 12 à 8 à 14 à 6 travailleurs sur un même chantier. Est-ce que les travailleurs vont devoir voter pour désigner un RSS une journée et changer de RSS deux jours plus tard parce qu’il aura quitté pour un autre chantier? Ce sera ingérable sur les petits chantiers de construction. Il serait préférable de mettre notre énergie sur la prévention plutôt que sur la gestion d’un tel casse-tête. La perte de productivité que cette mesure va engendrer nous fait craindre le pire », évoque Luc Bélanger, président-directeur général de l’APCHQ.

L’ajout du RSS imposera des changements fastidieux qui se traduiront non seulement en une perte de productivité, mais qui risquent également d’être à contresens du résultat souhaité. Le maitre d’œuvre pourrait passer plus de temps à gérer le changement et l’intégration du RSS que de consolider les activités de prévention sur son chantier.

« Il faut se rappeler que l’entrepreneur général (maitre d’œuvre) a déjà le devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs », a ajouté Gisèle Bourque, directrice générale de l’ACRGTQ.

« Le PL 59 rate la cible »

Pour l’ensemble des entrepreneurs en construction, ce ne sont pas tant les sommes investies qui sont un problème plus que la garantie que ces sommes amélioreront la prévention sur les chantiers de construction. « Il est inconcevable pour nos membres de mettre autant d’argent pour l’embauche de RSS, alors qu’ils n’auront aucun droit de regard sur la personne qui effectuera ces tâches. En plus, rien ne nous garantit que l’embauche de ces ressources permettra d’éviter des accidents sur les chantiers de construction au Québec », souligne Jean-François Arbour, ing., président de l’ACQ.

Pour Caroline Amireault, avocate et directrice générale de l’AQEI, il ne fait aucun doute que nous sommes en train de rater la cible : « le PL 59 s’éloigne drastiquement de l’esprit initial de la loi qui visait à protéger les travailleurs tout en considérant l’imputabilité du maitre d’œuvre en matière de santé-sécurité sur un chantier de construction ».

Or, tous les ingrédients étaient pourtant réunis pour faire de cette réforme un succès : « les associations patronales ont uni leurs voix pour proposer des solutions réalistes et pragmatiques, orientées vers les objectifs identifiés par le ministre, mais ce dernier a malheureusement choisi une autre voie », conclut Manon Bertrand, présidente de l’AECQ.