par Douglas Porter, Économiste en chef et directeur général BMO Groupe financier
Nous augmentons de nouveau nos hypothèses prévisionnelles pour la Réserve fédérale et la Banque du Canada, en augmentant le taux terminal de ces deux institutions de 25 points de base supplémentaires. Ce rajustement est attribuable au message clair du président Powell lors de la conférence de presse, à une série de résultats économiques relativement solides pour le mois d’octobre et même au regain de vigueur des prix du pétrole.
De plus, nous prévoyons des données fermes sur l’IPC aux États-Unis (jeudi prochain) et au Canada (16 novembre). Par conséquent, nous nous attendons maintenant à ce que la Fed augmente son taux directeur de 100 pb supplémentaires, ce qui portera son taux directeur à une fourchette de 4,75 % à 5,00 % d’ici la fin du premier trimestre de 2023. Pour la Banque du Canada, cela laisse présager une hausse supplémentaire de 75 pb des taux, ce qui porterait le taux de financement à un jour à 4,5 % au début de l’année prochaine.
La réunion du FOMC de cette semaine semblait initialement s’en tenir au scénario, avec la hausse de 75 pb, exactement comme prévu depuis longtemps, et le communiqué de presse laissait entendre que les hausses de taux allaient désormais ralentir. Cependant, M. Powell a rapidement anéanti toute positivité sur le marché en transmettant une série de messages sévères, dont le meilleur exemple est peut-être le suivant : « nous avons encore du chemin à parcourir ». Les marchés ont rapidement commencé à envisager une cible beaucoup plus élevée pour les hausses de taux de la Fed (c’est-à-dire plus de 5 %, voire plus que notre estimation révisée), ce qui a fait grimper le taux des obligations à deux ans de 27 pb sur la semaine, à environ 4,7 %. Après être passés bien en dessous de 4 % dans la période qui a précédé le FOMC, les taux à 10 ans ont de nouveau bondi et ont terminé la semaine au-dessus de 4,15 %.
Même avant le discours musclé de M. Powell, les arguments en faveur d’un taux terminal plus élevé s’accumulaient. Tout d’abord, l’économie américaine fait preuve d’une résilience surprenante jusqu’à présent au quatrième trimestre. L’indice ISM du secteur manufacturier s’est maintenu au-dessus du niveau clé des 50, les ventes d’automobiles ont connu l’un des meilleurs mois de l’année en raison de la reprise de l’offre, les possibilités d’emploi sont revenues à 10,7 millions et l’emploi salarié s’est établi à 261 000 le mois dernier. Il est vrai que le rapport sur l’emploi n’était pas tout à fait sain, car l’enquête complémentaire auprès des ménages a fortement reculé et le taux de chômage a augmenté de deux points pour s’établir à 3,7 %, tandis que les gains salariaux se sont atténués pour s’établir à 4,7 % sur 12 mois. Néanmoins, dans l’ensemble, la croissance semble progresser au quatrième trimestre. Nous augmentons également notre estimation du PIB pour le trimestre (de seulement 0,1 % à 1,0 %).
L’inflation ne veut pas cesser, en partie en raison de la résilience de l’économie. Nous nous attendons à ce que l’IPC mensuel de la semaine prochaine soit inconfortablement élevé, tant pour l’inflation globale (+0,7 %) que pour l’indice de base (+0,5 %), le premier se situe maintenant à 8,0 % sur 12 mois et le second à 6,6 % sur 12 mois. De plus, les prix du pétrole sont de retour en tant que facteur d’inflation, le WTI ayant augmenté de 4 % vendredi pour dépasser 91 $/baril. La combinaison des réductions de production de l’OPEP+ et des signes que la Chine est sur le point de rouvrir ont fait grimper le prix du pétrole brut à des niveaux sans précédent depuis la fin du mois d’août. La perspective d’un assouplissement des restrictions a également contribué à la forte remontée du marché boursier chinois cette semaine, qui s’est même temporairement répercutée sur les actions nord-américaines vendredi. Malgré tout, la vente massive menée par la Fed plus tôt a fait baisser l’indice S&P 500 d’environ 4 % pour l’ensemble de la semaine.
Les arguments en faveur d’une hausse supplémentaire des taux de la part de la Banque du Canada sont un peu moins évidents, surtout après le retour à un rythme de hausse des taux de 50 pb la semaine dernière. La Banque semble être moins ferme que la Fed pour les raisons suivantes : 1) les pressions sur les salaires et les prix sont un peu moins fortes au Canada, et 2) on s’attend à ce que le consommateur canadien subisse plus rapidement les conséquences des hausses de taux. Sur ce dernier point, les premiers résultats des ventes de logements pour octobre indiquent un nouveau recul, notamment une chute de 49 % sur 12 mois de l’activité à Toronto. Mais, comme aux États-Unis, nous nous attendons à un autre rapport inquiétant sur l’IPC, la forte remontée des prix de l’essence pouvant entraîner un gain mensuel aussi important que 1 %, ce qui ferait de nouveau passer l’inflation globale au-dessus de 7 %.
Et s’il subsistait un doute quant à la nécessité d’une nouvelle hausse des taux de la Banque, le rapport sur l’emploi au Canada, toujours étonnant, est venu le confirmer. Après une accalmie estivale, le nombre d’emplois aurait augmenté de 108 300 le mois dernier et les salaires horaires ont bondi à 5,6 % sur 12 mois. Les gains sont répartis dans toutes les régions et la plupart des secteurs d’activités, sans qu’aucun facteur particulier ne soit en jeu. Il est dangereux d’accorder trop d’importance à un seul rapport sur l’emploi au Canada, mais il soulève à tout le moins de sérieux doutes quant à notre prévision d’une croissance nulle du PIB au quatrième trimestre. Contredisant un peu les données optimistes sur l’emploi, la confiance des consommateurs a fait un autre grand pas en arrière le mois dernier, tandis que les ventes d’automobiles n’ont pas fait écho au rebond observé aux États-Unis, et les permis de construction ont connu l’une des baisses les plus importantes jamais enregistrées en septembre. Disons simplement que le contexte économique canadien est complexe.
Malgré ces appréhensions, nous croyons que l’inflation et le contexte économique sont compatibles avec la nécessité d’un taux terminal légèrement plus élevé au Canada également, les données sur l’emploi faisant pencher la balance. Après la forte remontée des obligations la semaine dernière, les taux des obligations du Canada se sont redressés dans l’ensemble de la courbe cette semaine, avec une hausse de près de 30 pb des obligations à 2 ans, pour s’établir à plus de 4,1 %, et de 26 pb des obligations à 10 ans, pour s’établir à 3,5 %. Il convient de noter qu’alors que beaucoup attendent avec impatience une inversion de la courbe des taux des obligations à 10 ans et des fonds fédéraux, les taux du financement à un jour au Canada ont depuis longtemps dépassé les taux des obligations du Canada à 10 ans. Le message dominant d’aujourd’hui est que nous n’avons pas encore terminé et que l’ère des très faibles taux d’intérêt est vraiment derrière nous.
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