Le centre intégré de cancérologie (CIC) est une grande étape dans la livraison du nouveau complexe hospitalier (NCH) du CHU de Québec-Université Laval sur le site de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec. Il regroupe l’ensemble des spécialités et les technologies les plus récentes dans le traitement du cancer.

Groupe A + DMG + Lemay + Jodoin Lamarre Pratte + NFOE + GLCRM architectes en consortium

Ayant pour point de départ la conception d’une cour intérieure végétalisée autour de laquelle gravite le programme en cancérologie, l’architecture du CIC a été développée afin d’offrir des espaces d’accueil, d’attente, de circulation, de soins et de travail agréables et propices au bien-être et à la guérison. Abondance de lumière naturelle, vues sur l’extérieur, espaces verts, couleurs et matériaux chaleureux et œuvres d’art caractérisent ce nouveau lieu de soins apaisant qui intègre les meilleures pratiques et les plus récentes technologies.

Programme et conception clinique

Avec une superficie de 32 230 m², le CIC est le plus important centre de cancérologie au Québec et figure parmi les plus grands au Canada. Il héberge un programme hautement technique qui offre un large éventail de services et de soins spécialisés et surspécialisés aux patients atteints d’un cancer. On y trouve un secteur de radio-oncologie (téléthérapie et curiethérapie), des salles de consultation regroupées en cliniques selon le siège tumoral, un secteur de chimiothérapie pouvant traiter jusqu’à 70 patients simultanément, une pharmacie oncologique, un service d’intervention rapide en oncologie (SIRO), un secteur de planification et de simulation de traitement, la physique médicale, ainsi que plusieurs locaux de soutien pour les patients et le personnel. Afin d’intégrer les activités de recherche en cancérologie et de rapprocher celles-ci des réalités médicales, le CIC abrite des espaces consacrés à la recherche, à l’innovation et à l’enseignement et sera connecté au futur centre de recherche fondamentale. Deux secteurs de recherche clinique sont situés aux 2e et 4e étages à la jonction du futur centre de recherche et d’autres locaux sont intégrés à même les cliniques de consultation afin de faciliter la participation des patients aux protocoles de recherches. Parmi les éléments spécialisés figurent la radiochirurgie et la radiothérapie adaptative, la radiothérapie par orthovoltage et l’intégration soignée de nombreux appareils médicaux de pointe : accélérateurs linéaires, imagerie par résonance magnétique (IRM), système d’accélérateur linéaire avec dispositif IRM embarqué (IRM-linac), tomodensitomètres (CT scan), tomographie par émission de positron (TEP/CT).

Le bâtiment est composé au nord d’un plateau pour la téléthérapie abritant des voûtes bétonnées (bunkers) au rez-de-chaussée et des services électromécaniques à l’étage. Au centre, un volume transversal de 6 niveaux connecté au futur centre de recherche fondamentale héberge la curiethérapie et des espaces de recherche au rez-de-jardin (sous-sol), le prolongement de la téléthérapie au rez-de-chaussée, les cliniques de consultation sur trois niveaux et un étage pour les services électromécaniques. Au sud, 4 niveaux ceinturant la cour intérieure accueillent une partie de la physique médicale, un cyclotron, une future imagerie pour la recherche et un espace d’enseignement au rez-de-jardin, la suite du département de physique médicale et le service de planification et de simulation de traitement au rez-de-chaussée, puis deux étages de chimiothérapie avec la pharmacie oncologique au 2e étage et le SIRO au 3e étage. Cette partie du bâtiment a été conçue pour recevoir deux étages supplémentaires pour un agrandissement futur au besoin.

Les cliniques de consultation ont été conçues pour assurer l’intimité des patients, offrir une grande flexibilité d’usage et maximiser l’efficacité du personnel. Afin de permettre la ségrégation des flux de circulation publics et privés, les salles d’examen sont équipées de doubles-portes et elles sont positionnées autour d’un espace de travail interdisciplinaire réservé au personnel médical. Les patients accèdent ainsi aux salles par un corridor public, tandis que le personnel y accède depuis l’espace de travail central.

Afin de fournir plus d’intimité aux patients, le secteur de chimiothérapie est divisé en six grappes d’une dizaine de places positionnées autour d’un poste de garde. Pour chacune des grappes, les fauteuils sont aménagés le long des murs extérieurs pour bénéficier de la lumière naturelle et des vues sur l’extérieur et les toits-jardins, et une salle fermée avec civière se trouve à proximité immédiate du poste de garde. La pharmacie oncologique jouxte le secteur de chimiothérapie afin d’en faciliter l’approvisionnement en médicaments, tandis que le SIRO —où sont traités des patients nécessitant des soins d’urgence en oncologie—, se trouve au 3e étage près d’un ensemble de 6 civières réservées pour les traitements d’aphérèse.

Contexte et intégration architecturale

Composante majeure du NCH, le CIC devait s’intégrer au complexe hospitalier existant ainsi qu’à la trame urbaine du quartier dans une vision architecturale d’ensemble. Le centre a été implanté légèrement en marge du site pour offrir un maximum d’intimité à la clientèle. Sa volumétrie a été développée afin d’établir un équilibre avec le caractère résidentiel de la rue de Vitré à l’est et celui plus institutionnel de l’esplanade et du centre de recherche fondamentale à l’ouest, lequel bénéficie d’une grande visibilité sur le boulevard Henri-Bourassa.

Un axe de circulation nord-sud connecte le CIC et les futurs centre de recherche et pavillon des soins critiques à l’hôpital existant. Le hall d’entrée du CIC marque l’aboutissement de cette grande promenade intérieure, qui, telle une ligne du temps, débute dans les bâtiments fondateurs de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Ce passage est ponctué par des halls logeant les divers noyaux de circulations publiques, où prennent naissance les thèmes qui ont inspiré la conception intérieure de chacun des pavillons : la terre, l’eau, feu, l’air et la lumière.

L’architecture du projet, qui porte les thèmes de l’air et de la lumière, est sobre et rappelle des caractéristiques importantes des bâtiments existants tels que l’emploi de la brique et la continuité de la ligne des corniches. « La contemporanéité des assemblages est marquée par cette volonté d’empreindre le projet de lumière. Un camaïeu de briques ocres, des joints de mortier pâles et des jeux de composantes et de revêtements d’acier et d’aluminium blancs reflètent la lumière qui anime ces surfaces au gré de la journée », relate Rémi Morency, architecte associé et urbaniste chez Groupe A / Annexe U et responsable de la volumétrie, de l’enveloppe, du design urbain et du paysage du NCH.

Un motif inspiré de la tourelle art déco de l’aile A, marquant initialement l’entrée principale de l’hôpital lorsqu’il a été construit, a été développé pour fournir un écran solaire et d’intimité aux grandes surfaces vitrées. « Il est composé d’une multitude de petits losanges organisés dans un enchevêtrement tridimensionnel à grande échelle, à l’instar de la recherche qui s’intéresse à l’infiniment petit, mais dans un objectif d’avancées infiniment grandes ». Sérigraphié sur le verre, le motif d’abord visible sur la grande façade du centre de recherche fondamentale se poursuit dans la cour intérieure du CIC, illustrant la synergie nécessaire entre la recherche fondamentale et la recherche clinique qui s’effectue dans les activités quotidiennes du centre.

Un environnement bienveillant propice au bien-être et à la guérison

Le centre intégré de cancérologie incarne le changement dans la façon de soigner les personnes atteintes du cancer. Suivant une approche holistique, interdisciplinaire et centrée sur l’humain, le CIC a été conçu à la fois pour accueillir des équipements technologiques et des traitements cliniques de pointe, et fournir le soutien psychologique aux patients à toutes les étapes de leur parcours de soins. Sous le thème de l’air et de la lumière, l’équipe de professionnels avait à cœur de développer un « environnement guérissant » par l’aménagement d’installations ultramodernes, spacieuses, lumineuses, vertes et hautement fonctionnelles. Le bien-être des patients et du personnel de soins était au centre des décisions : les meilleures pratiques combinant des aménagements qui facilitent l’orientation par l’utilisation de la couleur et par le positionnement de points de repères et de vues sur l’extérieur; la maximisation de l’apport en lumière naturelle; l’accès à des jardins thérapeutiques; des choix judicieux de matériaux de finition et de mobilier pour créer des espaces confortables s’apparentant davantage à un centre de soins et de bien-être qu’à un environnement hospitalier stérile; et l’intégration ingénieuse d’équipements spécialisés pour un résultat élégant et épuré exempté d’encombrements visuels.

Bien que la volumétrie ait été initialement fixée lors des premières études de planification d’ensemble du NCH, la conception du centre s’est également raffinée de l’intérieur vers l’extérieur aux étapes suivantes. C’est ainsi que la cour a été retravaillée en paliers avec l’aménagement de toits-jardins. « Le centre a été conçu de façon à ce qu’on puisse voir des jardins à tous les niveaux. Un système de toits-terrasses et de toits-jardins a été développé et raffiné dans la cour intérieure pour lui donner une échelle humaine, pour que chaque espace de traitement bénéficie d’un jardin », explique Lucie Bégin, architecte directrice chez Jodoin Lamarre Pratte architectes et responsable de la conception du CIC. Experte en conception architecturale dans le domaine de la santé et formée en architecture et en paysage, Mme Bégin n’en est pas à la conception de son premier projet en cancérologie. Celle qui a participé à la réalisation d’une vingtaine de projets dans sa carrière, dont 7 projets majeurs de centres intégrés de cancérologie, ajoute que « le concept du healing garden (jardin thérapeutique) n’est pas nouveau. Mais nous travaillons à le perfectionner depuis 20 ans et à l’adapter au contexte et à l’échelle de chaque projet ». En plus de contribuer à la création d’un environnement guérissant en offrant des vues apaisantes aux patients à différents moments de leur parcours de soins —en particulier aux patients en chimiothérapie en traitement pendant de longues heures—, les cours-jardins et les toitures végétalisées offrent plusieurs avantages environnementaux.

Dans sa relation avec le centre de recherche et le pavillon des soins critiques actuellement en construction, le CIC est également doté d’un passage vitré en façade pour faire pénétrer la lumière jusque dans la cour. Suivant l’idée maîtresse de « jardins pour tous », les gens bénéficieront d’un côté de la vue sur la cour intérieure, et de l’autre d’un futur jardin qui sera aménagé devant le CIC, côté boulevard Henri-Bourassa.

Intégration de l’art à l’architecture 

Dans le cadre de la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux et publics, des emplacements stratégiques ont été déterminés afin que le plus de gens possible puissent bénéficier des œuvres d’art ou encore qu’elles servent d’écran d’intimité pour les patients en traitement. « Chaque personne, experte ou non en art, peut apprécier l’apport de l’art dans leur quotidien. Elles servent également de points de repères, ce qui facilite l’orientation dans l’espace et ainsi les déplacements des usagers », souligne Raynald St-Hilaire, architecte chez Lemay et concepteur principal du NCH. Pour le secteur du CIC, trois artistes québécois ont été invités à embellir le parcours de soin.

Selon le souhait des membres du comité de sélection, l’œuvre d’art à concevoir dans la cour intérieure devait atteindre une hauteur d’environ 12 m afin qu’un maximum de patients puisse en bénéficier depuis tous les étages de traitement. C’est ainsi que l’artiste Patrick Beaulieu a proposé une immense sculpture de conifères en bronze, Éclaircie, où une myriade de faisceaux en aluminium aux nuances dorées rappelle les lueurs vives que l’on retrouve dans les clairières. « L’œuvre évoque le phénomène de la régénération par la lumière du monde végétal (photosynthèse), et par le fait même, de toute la vie sur Terre. Depuis la cour intérieure, la terrasse et la toiture végétalisée, on découvre le fil temporel intrinsèque à l’œuvre, qui nous ramène – du fruit jusqu’à l’arbre et du sol à la cime – à cette force vitale, cette énergie régénératrice qui converge pour nourrir la vie. »

À l’intérieur, la série Échos —Passages, Vases-montagnes et Écho du ciel—, d’Ivan Binet a été judicieusement positionnée sur trois niveaux au carrefour du centre intégré en cancérologie et du futur centre de recherche afin que l’œuvre puisse être offerte au plus grand nombre. Explorant la notion de paysage, les grandes impressions jet d’encre sur verre trempé rétroéclairé mettent en scène des panoramas de la nature de l’est du Québec, soit l’ensemble des régions que dessert le CIC.

Les deux œuvres-écrans La valse des fleurs d’Émilie Rondeau sont placées à l’extérieur devant les aires de traitement vitrées du rez-de-chaussée. Elles offrent l’intimité nécessaire, tout en laissant laisser passer la lumière, au bénéfice des patients et du personnel soignant. « La composition est empreinte de résilience et portée par un vent d’espoir. Elles se déploient en vagues successives et en mouvements d’ondulation qui tracent un parcours brodé de réconfort, de générosité et de renouvèlement. »

Architecture et technologie 

Tout l’enjeu de concevoir un centre de ce type consiste à bien saisir les technologies médicales utilisées et les exigences des appareils spécialisés, afin que les lieux soient à la fois hautement fonctionnels, sécuritaires et agréables pour les patients et le personnel.

Chaque secteur comporte son lot de complexité. En radio-oncologie par exemple, des murs blindés doivent être construits pour éviter la propagation des radiations. Dans tous les secteurs où des substances radioactives ou dangereuses sont utilisées, les espaces doivent être savamment aménagés afin d’éviter toutes contaminations. Les appareils d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) sont sensibles et peuvent être facilement perturbés par la circulation automobile ou le champ magnétique d’autres appareils, ainsi leur positionnement doit être judicieusement réfléchi. Toutes ces contraintes contribuent à complexifier le processus de conception architecturale, qui peut parfois devenir un véritable casse-tête. Elles nécessitent un grand nombre d’intervenants spécialisés, chacun détenant une part de la solution.

Développement durable

Le projet respecte toutes les exigences techniques mises en place par la SQI pour les projets hospitaliers de cette envergure : optimisation de la consommation d’énergie, emploi de matériaux à faible teneur en COV et/ou avec du contenu recyclé, ou encore mise en service améliorée des systèmes électromécaniques et de l’enveloppe. Le CIC se distingue par l’intégration de nombreux espaces végétalisés qui ont des bienfaits tant pour l’humain que pour l’environnement. Les toits-jardins agissent par exemple comme un isolant thermique et prolongent la durée de vie des toitures en protégeant les membranes des chocs thermiques et des ultraviolets. S’ils représentent un coût initial d’installation plus important qu’une toiture classique, ils permettent cependant de réaliser des économies d’opération à long terme. De plus, les végétaux installés en toiture rendent d’excellents services écologiques : ils contribuent au maintien de la biodiversité en ville, à la réduction du bruit et des îlots de chaleur, à la rétention des eaux pluviales, à l’amélioration de la qualité de l’air et à l’absorption des gaz à effet de serre.

Plusieurs autres décisions architecturales contribuent à la création d’un environnement guérissant de qualité et à la performance énergétique du bâtiment, tel que l’aménagement d’une cour intérieure, qui maximise le nombre d’espaces ayant accès à la lumière naturelle; l’application d’une sérigraphie sur le vitrage qui exploite les variations lumineuses au cours de la journée pour reproduire des conditions similaires à celles de la nature; ou encore la présence d’un grand escalier central qui encourage les déplacements actifs et réduit la demande sur les ascenseurs.

Un projet complexe

« L’un des principaux défis dans la conception du plus grand centre de cancérologie au Québec aura certainement été son contexte de réalisation. Une très grande équipe comprenant une cinquantaine de ressources en architecture devait réfléchir ensemble et efficacement pour atteindre un objectif commun », mentionne d’emblée Anne-Marie Blais, architecte associée chez Groupe A/Annexe U et chargée de projet adjointe du NCH. En collaboration avec l’établissement, le gestionnaire de projet, les équipes d’ingénierie et les nombreux consultants spécialisés, le projet s’est déroulé en mode accéléré afin de respecter l’échéancier de livraison du projet, tributaire des besoins cliniques. « Ce mode aura exigé beaucoup d’agilité de la part des équipes, étant donné le chevauchement de la période de conception et de construction. » L’équipe de projet a non seulement relevé le défi de concevoir ce nouveau centre spécialisé, mais également d’asseoir les bases de conception transversales de tous les autres bâtiments cliniques composant le NCH. La mise en place du processus BIM (Building Information Modeling) et de ses outils dès les premières esquisses du projet a contribué de manière significative à l’optimisation des ateliers de consultation avec les cliniciens et à l’élaboration efficiente des plans et devis pour construction.

Notons également la grande complexité du programme d’un centre de cette envergure et de ses connexions aux autres composantes du NCH, qui sollicite tant la maîtrise de connaissances spécialisées que l’agilité de concevoir une architecture de très grande qualité avec de très nombreux paramètres. Grâce à l’appui de l’établissement et du personnel médical, une série de décisions ont mené à l’aménagement d’un environnement contribuant à réduire l’anxiété et favoriser le bien-être, soutenant les patients dans leur combat contre le cancer.

À terme, le nouveau complexe hospitalier de Québec regroupera sur le même site les services de soins, de même que les activités d’enseignement et de recherche actuellement offerts à l’Hôtel-Dieu de Québec et à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (HEJ). D’une superficie totale de plus de 260 000 m², le projet comprend la construction de nouveaux bâtiments sur le site de l’HEJ pour une superficie de 180 693 m² et le réaménagement de 27 492 m² dans l’existant.

Cet ambitieux projet —dont la réalisation est prévue sur plus de 10 ans—, comprend plusieurs composantes actuellement en fonction : la plateforme clinico-logistique (2020), une nouvelle centrale d’énergie (2021), un bâtiment de génératrices (2021), l’hôtellerie (2022) et le Centre intégré de cancérologie (2022). Le centre de recherche fondamentale, le cyclotron, le pavillon des soins critiques et le réaménagement de l’HEJ seront livrés progressivement au cours des prochaines années.