Mike Begg

L’équipe Immeubles commerciaux de BMO et les leaders du secteur tiennent une discussion virtuelle intéressante et instructive sur l’offre de logements et l’abordabilité au Canada.

Mike Beg Premier vice-président et chef – Financement immobilier, Financement des grandes entreprises résume les propos d’experts sur le sujet

Les prix des logements continuent d’augmenter partout au Canada (y compris dans les grandes villes comme Toronto, Vancouver et Montréal) plus rapidement et plus fortement que dans tout autre pays du monde. Cette augmentation a commencé il y a des années. L’ incidence sur l’abordabilité est extrêmement frustrante.

Les jeunes qui n’ont pas accès aux fonds de leurs parents ont peu d’espoir de devenir propriétaires d’une maison en ce moment. Pendant ce temps, certains parents sacrifient leur retraite pour donner à leurs enfants une chance d’accéder à la propriété. La situation ne s’améliorera pas, à moins que le secteur de l’immobilier (le principal instrument d’approvisionnement) collabore avec le gouvernement (le principal instrument de densité du développement et des approbations) pour changer les choses.

Un groupe d’experts et de leaders du secteur ont échangé sur la situation actuelle, de la façon dont elle touche les constructeurs et les consommateurs et des manières dont les secteurs public et privé peuvent collaborer pour changer les choses.

 

Experts en la matière :
L’honorable Scott Brison, vice-président du conseil, Banque d’affaires et services bancaires aux sociétés, BMO Marchés des capitaux

David Wilkes, président et chef de la direction, Building Industry and Land Development Association (BILD)

Douglas Porter, économiste en chef, BMO Groupe financier

 

Conférenciers constructeurs :
Neil Chrystal, président et chef de la direction, Polygon Homes Ltd.

Jim Spatz, président du conseil d’administration, Southwest Properties Ltd.

Michael Owen, associé principal, Mondev

Jim Ritchie, chef de l’exploitation, Tridel Group of Companies

 

Voici un résumé de leur entretien.

 

Des logements abordables favorisent la croissance économique
Dans son article d’opinion publié dans le Globe and Mail et intitulé Government Action Can Help Spur More Home Building to Address Canada’s Housing Shortage, M. Brison a suggéré des façons dont le gouvernement peut aider le secteur immobilier à gérer la crise de l’abordabilité du logement. D’autant plus que, comme il le mentionne dans l’article, le logement abordable est un enjeu économique, en raison largement de la façon dont l’abordabilité crée de la richesse et agit comme une source de diversité. En mentionnant les contributions inestimables des communautés issues de l’immigration à la construction de logements au Canada, M. Brison a souligné l’importance d’offrir des logements abordables aux nouveaux arrivants au Canada.

« Quiconque se demande si les immigrants contribuent de façon importante à la prospérité économique du Canada devrait prendre un moment pour regarder la silhouette de Halifax. Cette ville ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui si ce n’était des gens qui ont déménagé au Canada pour bâtir leur avenir », a déclaré M. Brison.

Il a ajouté que la priorité est de stimuler l’offre de logements, et que certains des discours populistes concernant l’immigration n’ouvrent pas la voie à la prospérité économique. « L’industrie de la construction a joué un rôle important dans les histoires de réussite des immigrants, a-t-il dit. Les nouveaux arrivants au Canada bâtissent des entreprises et des logements pour tout le monde. Je crois qu’aucun d’entre nous ne voit la réduction du nombre d’immigrants comme une solution. »

M. Porter a expliqué que la croissance du Canada au cours des 15 dernières années a en grande partie été attribuable à la croissance de la population active et du nombre d’habitants, et non à la productivité. Le manque de logements abordables risque de changer la donne.

« Il sera difficile d’attirer des personnes hautement qualifiées si nous n’avons pas de logements abordables, a-t-il dit. Nous aurons de la difficulté à atteindre les taux de croissance modestes que nous avons connus au cours des 10 dernières années si nous ne pouvons pas offrir des logements relativement abordables. »

L’augmentation de l’offre de logements est la solution évidente. Le Groupe d’étude sur le logement abordable en Ontario a fait de l’augmentation de l’offre une priorité, mais M. Porter estime que ces objectifs ne sont peut-être pas assez ambitieux. Cela dit, des objectifs plus ambitieux pourraient être difficiles à atteindre en raison du marché du travail actuel.

« Au cours des 30 ou 40 dernières années, le plus grand nombre de mises en chantier en une seule année en Ontario a été d’un peu plus de 100 000, a déclaré M. Porter. Le nombre le plus élevé de constructions terminées jamais atteint en une seule année est de 104 000; c’était en 1974. Ce que le groupe de travail demande, c’est 150 000 constructions par année pendant 10 ans. C’est un objectif ambitieux qui sera extrêmement difficile à réaliser. Nous faisons déjà face à de réelles pénuries de main-d’œuvre dans l’ensemble de l’économie, plus particulièrement dans le secteur de la construction. Il est très difficile d’imaginer que nous serons en mesure d’augmenter l’offre de façon significative sans prendre en compte le problème de main-d’œuvre. »

M. Brison a d’ailleurs soulevé un point important sur la façon dont les nouveaux arrivants au Canada pourraient contribuer à atténuer le problème de main-d’œuvre. Il a mentionné que la communauté des constructeurs libanais de Halifax, qui aide les citoyens du Liban à entrer dans le système d’immigration canadien et à développer leurs compétences dans l’industrie de la construction, pourrait servir de modèle dans d’autres régions.

« Ils sont en mesure de construire de nouveaux logements pour l’ensemble de la Nouvelle-Écosse, a déclaré M. Brison. En combinant notre politique d’immigration relativement ouverte, nos systèmes de collèges communautaires et un peu d’innovation au sein des gouvernements provinciaux, nous pourrions nous attaquer à ce problème et faire appel à des gens aptes à nous aider à le résoudre. »

De même, Tridel a une fondation de bienfaisance appelée BOLT – Building Opportunities for Life Today, qui offre des bourses aux fins d’études postsecondaires et de formation pour des jeunes qui souhaitent faire carrière dans la construction.

M. Porter a également fait remarquer que la demande a été un facteur tout aussi important pour l’abordabilité du marché de l’habitation que l’offre. Après quelques années de taux d’intérêt réels négatifs, que la Banque du Canada a mis en œuvre pour aider l’économie à traverser la pandémie, nous entrons dans ce qui semble être une période de resserrement monétaire énergique, ce qui, selon lui, changera la dynamique de la demande.

« Selon certains économistes, la Banque du Canada n’augmentera pas trop les taux d’intérêt, car cela causerait beaucoup de dommages au marché de l’habitation, a-t-il dit. Au cours des dernières années, pendant la pandémie, la Banque du Canada ne s’est pas préoccupée des problèmes du marché de l’habitation parce qu’elle devait maintenir des taux d’intérêt incroyablement expansionnistes pour soutenir le reste de l’économie. Maintenant, la situation est tout à fait différente : l’inflation globale devrait dépasser 7 % au cours des deux prochains mois. La Banque devra donc essentiellement ignorer ce qui se passe du côté du secteur immobilier et hausser les taux d’intérêt afin de mieux gérer l’inflation dans les mois, et peut-être même les années à venir. »

 

Un changement de culture

M. Wilkes est d’accord avec l’évaluation de M. Porter selon laquelle l’abordabilité des logements a une incidence sur la compétitivité économique du Canada. En tant que membre collaborateur du Groupe d’étude sur le logement abordable en Ontario, il a pu constater par lui-même les autres problèmes qui doivent être réglés. Au premier plan, il y a la reconnaissance d’un changement culturel à l’égard de la croissance.

« Compte tenu de la croissance prévue en raison de l’immigration et des migrations internes vers les zones urbaines, la demande en logements ne fera que s’accentuer, a déclaré M. Wilkes. Un système conçu pour les années 1970 ne pourra donc pas répondre aux besoins des années 2020 et au-delà. Nous devons considérer le territoire sous un nouvel angle, que ce soit en milieu urbain ou à l’extérieur de celui-ci. Nous devons reconnaître que les conséquences d’empêcher la croissance vont au-delà du marché de l’habitation. Elles influencent d’autres facteurs liés à la compétitivité et à la société en général. »

Une plus grande densité est une pierre angulaire de la solution pour le logement abordable. Selon M. Wilkes, pour y arriver, il faudra repenser le zonage, les impôts et les attitudes culturelles.

« Nous devons examiner attentivement la façon dont nous imposons les nouveaux logements et déterminer si c’est juste et équitable, a-t-il déclaré. À l’heure actuelle, environ 25 % du coût d’une nouvelle maison est attribuable aux frais gouvernementaux et aux taxes. Certaines municipalités de la région du Grand Toronto envisagent d’augmenter ce montant à 40 % du coût des nouveaux logements. Ce n’est pas de cette façon que nous améliorerons l’abordabilité. À notre avis, cela ne fera qu’aggraver les problèmes liés à l’insuffisance de l’offre. »

« Je crains que nous soyons distraits par certains des problèmes à court terme liés à la demande et que nous perdions de vue les problèmes à long terme liés à l’offre, a ajouté M. Wilkes. Nous pourrions notamment envisager des modifications de zonage dans la ville de Toronto, où 70 % du territoire est réservé aux logements unifamiliaux. Il y a là une excellente occasion d’augmenter la densité. De plus, il faut s’assurer que les gens ne s’opposent pas aux nouveaux développements simplement parce qu’ils le peuvent. Le système dispose de moyens pour les convaincre du bien-fondé de ces projets. L’opposition doit être fondée sur des faits, et non sur des perceptions. »

Préoccupations des constructeurs
J’ai la chance de travailler avec des constructeurs de partout au pays. Quelques-uns d’entre eux se sont joints à nous pour discuter des problèmes auxquels font face les régions qu’ils servent. Certains thèmes communs sont ressortis, notamment le processus d’approbation des projets, la nécessité d’augmenter la densité et les responsabilités des gouvernements provinciaux et municipaux.

 

Toronto
Pour vous donner une idée claire du problème d’abordabilité : à Toronto, une copropriété de 700 pieds carrés vaut plus d’un million de dollars. C’est pourquoi Jim Ritchie, de Tridel, croit que les gouvernements locaux doivent en faire plus pour augmenter la densité.

« De toute évidence, cela ne se produira pas sans l’intervention du gouvernement provincial, a-t-il dit. Les municipalités, à elles seules, ne pourront pas effectuer de grands changements. Nous avons besoin d’une plus grande densité, et ce, dans les bonnes régions. Nous devons tirer parti du transport en commun, des métros avec train léger sur rail et des zones qui ont des bâtiments commerciaux ou industriels redondants. Mais nous avons des défis à relever en matière d’emploi, de conversion des terrains, etc. De plus, nous devons examiner sérieusement en quoi consiste notre idée de ‘‘ densité ’’. »

Vancouver
Pour Neil Chrystal, de Polygon Homes, faire approuver des projets est un véritable cauchemar dans le marché de Vancouver, où il faut de deux à trois ans pour obtenir le feu vert. « Ce qu’on oublie concernant le Grand Vancouver, c’est la nécessité d’une planification à l’échelle régionale, a déclaré M. Chrystal. Le gouvernement provincial a souvent des idées, mais il doit composer avec 26 municipalités différentes. C’est très difficile. »

Un autre défi est le changement de ce marché de vendeurs robuste en raison de la hausse des taux d’intérêt.

« Le changement du marché s’opère sous nos yeux, a déclaré M. Chrystal. Il se produit très rapidement, en raison de la hausse continue des taux d’intérêt et de l’incertitude grandissante sur les marchés financiers, ce qui donne aux acheteurs le temps de faire une pause et de se poser la question suivante : “est-ce le bon moment pour acheter?”. Pour nous, en tant que constructeurs, cela signifie que nous devons faire preuve de plus de créativité pour rendre nos maisons un peu plus attrayantes. Si les taux d’intérêt doublent, un grand nombre de premiers acheteurs seront évincés du marché. »

Halifax
Jim Spatz, de Southwest Properties, a expliqué que la région de Halifax a récemment connu une poussée de croissance. Cette région, dont la population était autrefois vieillissante, a attiré nombre de jeunes entrepreneurs au cours des cinq dernières années, ce qui s’est traduit par un essor dans le secteur des technologies. Le processus d’approbation des nouvelles constructions n’a toutefois pas suivi la hausse de la demande.

« Nous avons continué à accuser un important retard par rapport à ce qui était déjà un déficit sur le plan du nombre total de logements, de sorte que le déficit total de logements à Halifax s’élève à près de 20 000 unités. Cela représente environ cinq années de notre historique en matière d’offre, a déclaré M. Spatz. Le problème ne fait que s’aggraver, car beaucoup de gens veulent maintenant vivre ici. »

M. Spatz a souligné que le nouveau gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse a assoupli le processus d’approbation. Cependant, le secteur fait face à un nouvel obstacle : l’inflation et les taux d’intérêt.

« Je suis au bureau, j’examine notre plus récent projet au centre-ville tout près, et je peux vous affirmer que nous dépasserons notre budget de plus de 15 %, a déclaré M. Spatz. Si nous commencions ce projet aujourd’hui, les prix seraient beaucoup plus élevés. J’ai l’impression que même si les gouvernements devenaient très accommodants, nous n’obtiendrions toujours pas le nombre de logements dont nous avons besoin, car les coûts liés aux facteurs mondiaux ont énormément augmenté. Étant donné la forte hausse des taux d’intérêt, j’ai l’impression que pour augmenter l’offre de logements actuelle, il faudra atténuer ce genre de problèmes. Pour construire plus de logements dans ce pays, il faudra prendre des mesures audacieuses pour réduire les coûts associés à la TVH, aux frais municipaux, etc. Autrement, je crois que des politiques et de la planification accommodantes ne serviront à rien dans un monde qui a trop changé pour permettre au marché de l’habitation de rattraper son retard. »

Montréal
Michael Owen, de Mondev, a dit que même si Montréal est demeurée abordable par rapport aux autres grandes régions métropolitaines, il craint que cela ne prenne fin.

« La densité est devenue un sujet de discussion effrayant, a-t-il déclaré. Je ne sais pas si c’est à cause de la politisation du processus d’approbation ou si ce sont les gouvernements locaux qui craignent de se faire montrer la porte. Mais à Montréal, en ce qui concerne la densité, nous n’allons pas dans la bonne direction. »

M. Owen convient que les budgets sont complètement détraqués, mais il croit également qu’une augmentation de la densité est la solution. « Soyons francs : une fois que vous avez commencé un projet, si vous pouvez ajouter cinq étages, vous pouvez réaliser des économies d’échelle très avantageuses, a-t-il dit. Vous n’avez pas besoin de réengager des plombiers, des tireurs de joints et des menuisiers pour un nouveau projet. Vous pouvez simplement augmenter la densité de votre projet actuel. »

Selon M. Owen, les acheteurs d’une première maison sont les grandes victimes de la crise d’abordabilité actuelle. Vendre une maison pour en acquérir une plus grande n’est possible que si vous êtes en mesure d’en acheter une première. À cette fin, M. Owen a proposé une solution novatrice pour attirer de jeunes acheteurs de maison.

« Je crois qu’une période d’amortissement fondée sur l’âge serait très intéressante pour les jeunes Canadiens, a-t-il dit. Si vous avez 35 ans et moins, vous pourriez obtenir un prêt hypothécaire amorti sur 35 ans. Les paiements seraient moins élevés, et donc plus abordables, malgré des taux d’intérêt et des coûts plus élevés. À partir de là, ce serait graduel. Si vous avez entre 35 et 45 ans, vous obtiendriez un prêt amorti sur un peu moins de 35 ans. Passé 50 ans, l’amortissement s’étendrait sur 25 ans, comme maintenant. Je crois que nous devons faire tout notre possible pour encourager les jeunes à entrer sur le marché. Nous ne pouvons pas attendre d’autres mesures. Il faut agir maintenant. »

Transformer une crise en opportunité
Je suis tout à fait d’accord avec l’évaluation selon laquelle l’abordabilité des logements est un défi qui menace la compétitivité économique du Canada. Mais comme l’a fait remarquer Scott Brison, de BMO, je crois aussi qu’il s’agit d’une occasion d’élaborer une stratégie de croissance nationale. Cela dit, elle nécessitera la collaboration de tous les paliers de gouvernement, du secteur privé et des citoyens canadiens.

« Pour vraiment faire avancer les choses, nous avons besoin de plus que des recettes fiscales fédérales, provinciales et municipales pour bâtir le type de logement dont les Canadiens ont besoin, a déclaré M. Brison. Nous devons déployer tous les efforts possibles pour collaborer avec les investisseurs institutionnels et les caisses de retraite afin de favoriser l’investissement dans le logement et de tirer parti des ressources gouvernementales limitées. Ce sera important à mesure que les restrictions budgétaires s’intensifieront au cours des prochaines années. En tant que citoyens, il nous incombe de faire de notre mieux pour proposer des idées et des mesures afin de construire, dans les grandes et petites collectivités partout au pays, des logements abordables dont les Canadiens ont besoin. »

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