De son sommet de février 2022 jusqu’en août dernier, le prix MLS® moyen désaisonnalisé pour l’ensemble du pays a diminué de 15,6 %. Cette baisse des prix de l’habitation était attendue par les prévisionnistes – et la SCHL – en raison d’un retour anticipé à des conditions de marché plus soutenables que celles observées en 2020 et 2021 et de l’impact négatif de la hausse marquée des taux d’intérêt nécessaire pour ramener l’inflation sous contrôle.

À partir de cette baisse du prix moyen de l’habitation, la tendance serait de croire à un affaiblissement significatif de la valeur des propriétés au Canada.

Cependant, il est important de comprendre que les changements du prix moyen peuvent également refléter un changement de composition des transactions à travers les différentes gammes de prix.

En fait, cet effet de composition expliquerait un peu plus de la moitié du déclin du prix MLS® moyen depuis février dernier pour le Canada.

L’affaiblissement réel des prix de l’habitation serait donc moins significatif que ce qui est suggéré par la chute du prix moyen. Cette conclusion pourrait toutefois changer au cours des prochains mois avec la publication de nouvelles données et à mesure que les hausses de taux d’intérêt et le ralentissement prévu de l’économie se feront pleinement sentir.

Qu’est-ce qu’un effet de composition sur le marché de l’habitation?

En plus de l’offre et de la demande sur un marché, les caractéristiques individuelles des unités vendues influent également sur le prix de vente des propriétés. La taille, l’emplacement, l’apparence et d’autres particularités d’une propriété peuvent impacter sa demande et son prix.

La mesure du prix des habitations généralement mise à l’avant plan est le prix MLS® moyen qui est calculé à partir des ventes effectuées à travers un courtier immobilier. Il se calcule en divisant la valeur totale des transactions par leur nombre.

Une variation de la proportion de propriétés moins dispendieuses dans les ventes totales – en raison du type ou de la localisation des propriétés transigées – crée un effet de composition. Si cette variation est importante, le changement du prix moyen pourrait principalement refléter un changement des particularités des propriétés transigées plutôt qu’une variation réelle de la valeur des propriétés.

Par exemple, une augmentation de la part des ventes de copropriétés, généralement de valeur plus modique que les maisons unifamiliales, pourrait faire baisser le prix moyen des habitations, même si la valeur individuelle des habitations demeure inchangée.

Certaines mesures de prix tentent de purger ces effets de composition. Entre autres, l’Indice des Prix des Propriétés (IPP) MLS® est basé sur un modèle hybride qui combine l’approche des ventes récurrentes et la méthode des prix hédoniques (qui reflète l’incidence de diverses caractéristiques quantitatives et qualitatives des logements sur leur prix).1

Les indices de prix qui purgent les effets de composition ont baissé moins rapidement que le prix MLS® moyen depuis février dernier

Au Canada, le prix MLS® moyen désaisonnalisé a atteint un sommet en février 2022 à 786 000 $. Il était de 663 000 $ en août 2022, une baisse de 15,6 %. Pour cette même période, l’IPP MLS® a diminué de seulement 7,4 % (voir la figure 1).

L’écart de 8 points de pourcentage entre le taux de diminution du prix MLS® moyen et celui de l’IPP MLS® s’expliquerait par un déplacement de la composition des ventes vers des habitations de moindre valeur. Autrement dit, plus de la moitié de la baisse du prix MLS® moyen depuis février s’expliquerait par un effet de composition, le restant par un affaiblissement réel des prix.

 

Figure 1 : Prix moyen MLS® et IPP MLS®, indicé à 100 en janvier 2019

 

Source : Association canadienne de l’immeuble (ACI). Calculs de la SCHL.

Note : la période ombragée correspond à la pandémie de COVID-19.

 

Toronto, Vancouver et Montréal ont tous des prix MLS® moyens désaisonnalisés qui ont atteint des sommets en début de 2022.

Pour Montréal et Vancouver, la contribution de l’effet de composition des transactions à la baisse de leur prix moyen a été plus significative que pour Toronto.

À Vancouver, après son sommet de février 2022, le prix moyen a diminué de 6,5 % jusqu’en août. Au cours de cette période, l’IPP MLS® a diminué de seulement 3,5 %. Donc un peu plus de 50 % de cette baisse du prix moyen serait attribuable à un affaiblissement réel des prix, et l’autre partie à un effet de composition.

Pour Montréal, le prix MLS® moyen a atteint un sommet un peu plus tard, soit en avril. Depuis, il a diminué de 5,5 % alors que l’IPP MLS® diminuait de seulement 3,3 %. Donc, environ 60 % de cette baisse du prix moyen à Montréal proviendrait d’un affaiblissement réel des prix, et 40 % de l’effet de composition.2

Pour Toronto, le prix moyen a diminué de 12,0 % depuis son sommet de février jusqu’en juillet. Pour cette période, l’IPP MLS® a diminué de 8,6 %, donc l’affaiblissement réel des prix explique un peu plus de 70 % de cette baisse du prix moyen à Toronto, alors que l’effet de composition a eu une contribution moindre.

D’où proviennent les effets de composition observés?

Les premiers mois de la pandémie de COVID-19 ont entraîné une forte hausse de la demande d’habitations qui s’est traduit par une hausse de 12,5 % des transactions en 2020. Dans plusieurs marchés, la demande s’est accentuée surtout pour les maisons individuelles, jumelées et en rangée. Ce changement reflétait une préférence accrue pour des propriétés plus spacieuses, et généralement plus dispendieuses, en réaction à la pandémie et aux besoins de télétravail et d’école à la maison. Ceci a favorisé une croissance plus forte du prix moyen.

Dans les régions métropolitaines de Toronto et Vancouver, la part des maisons unifamiliales dans les transactions totales se retrouve maintenant sous les niveaux d’avant la pandémie (voir la figure 2). Avec les copropriétés qui occupent désormais une place plus importante dans les transactions, leur valeur généralement plus faible a probablement accentué la baisse du prix moyen MLS®.

Pour Montréal, une hausse de la part des maisons unifamiliales dans les transactions totales n’avait pas été observée en 2020. Néanmoins, cette proportion se retrouve sous le niveau d’avant la pandémie, indiquant un ralentissement de la demande de maisons unifamiliales relativement aux autres types d’unités.

Figure 2 : Part des ventes d’unifamiliales dans les transactions totales

 

Source : Association canadienne de l’immeuble (ACI) pour Toronto, APCIQ par CentrisMD pour Montréal et Greater Vancouver Real Estate Board, Fraser Valley Real Estate Board pour Vancouver. Calculs de la SCHL.

*Janvier à juillet pour Toronto et Montréal. Janvier à juin pour Vancouver.

À mesure que l’impact de la hausse des taux d’intérêt et du ralentissement économique prévu feront sentir leur plein effet sur le marché de l’habitation, l’affaiblissement réel des prix devrait s’amplifier et l’écart entre le prix MLS® moyen et l’IPP MLS® devrait se réduire.

L’effet de composition devrait expliquer une part de moins en moins grande de cette variation du prix moyen tandis que l’évolution du prix MLS® moyen sera plus représentative de celle du prix réel des habitations.

Patrick Perrier
Économiste en chef adjoint

En tant qu’économiste en chef adjoint, Patrick Perrier fait partie d’une équipe d’économistes et de chercheurs dans le domaine du logement qui s’efforcent d’améliorer notre compréhension, au Canada, des facteurs favorables et défavorables sur les marchés de l’habitation et de leur incidence sur l’abordabilité. Patrick est aussi membre d’une équipe nationale diversifiée de chercheurs et d’analystes qui étudient les obstacles à l’offre de logements et les solutions possibles.