Que nous réserve l’immobilier commercial à Montréal en 2023? Ruth Fischer, directrice générale de CBRE au Québec, nous dit ce qu’elle surveillera.

Comme la plupart des marchés canadiens, Montréal a vu son taux d’inoccupation des bureaux du centre-ville augmenter au dernier trimestre de 2022, pour atteindre 16,0 %.

Et le très animé marché de l’immobilier industriel de la ville a enregistré son 15e trimestre consécutif d’activité de location nette positive au quatrième trimestre.

Que nous réserve l’immobilier commercial à Montréal en 2023? Ruth Fischer, directrice générale de CBRE au Québec, nous dit ce qu’elle surveillera.

Bureaux

Selon moi, le taux d’inoccupation des bureaux augmentera encore en 2023. Cependant, je crois qu’il y aura deux marchés distincts : d’un côté les locaux de haute qualité et bien aménagés seront très demandés, tandis qu’il y aura peu de demandes pour les produits de catégories B et C.

L’accent sera mis sur la disponibilité des locaux clés en main, c’est-à-dire les locaux dans lesquels un occupant peut emménager rapidement. Les coûts et les délais de construction suscitent de réelles inquiétudes, sans parler de l’expertise nécessaire pour aménager des espaces de bureaux, surtout si l’on considère ce que les occupants recherchent à court terme.

Il est plus difficile pour un occupant de respecter son budget lorsqu’il doit effectuer beaucoup de travaux avant de pouvoir utiliser les locaux. Les bailleurs qui ont l’esprit ouvert s’en rendent compte, et l’une des façons d’augmenter le volume de transactions est de proposer des locaux clés en main.

Industriel

Le taux d’inoccupation à Montréal reste extrêmement bas (1,2 % au quatrième trimestre de 2022) et nous avons connu le taux de croissance des loyers le plus élevé au pays. Bien que nous n’ayons pas encore atteint le sommet de la courbe, je m’attends à ce que cette croissance ralentisse cette année.

Peu de nouveaux locaux seront mis en service cette année. La pression s’atténuera légèrement, mais pas suffisamment pour nous amener à un marché plus équilibré.

Tout au long de l’année 2022, des fournisseurs de services logistiques ont occupé beaucoup de locaux. Ils y stockaient les produits reçus avec du retard en raison de la pandémie.

Maintenant que ces produits se retrouvent sur le marché, certaines questions restent en suspens. Les fournisseurs de services logistiques auront-ils encore besoin de leurs locaux? Remettront-ils une partie des locaux sur le marché? Nous donneront-ils ainsi un peu plus de marge de manœuvre? Comment les nouveaux occupants utiliseront-ils leurs locaux? Ces tendances seront intéressantes à observer.

 « Les bailleurs qui ont l’esprit ouvert réalisent que proposer des locaux clés en main constitue l’une des façons d’augmenter le volume de transactions. » - Ruth Fischer

Commerce de détail

Nous avons constaté une augmentation de la demande pour les achats en personne. Et le concept de furetage en magasin (show-rooming) est intéressant et nécessitera des améliorations technologiques. Dans le passé, un détaillant se basait sur les ventes en magasin par rapport à la même période l’année précédente ou sur les ventes par pied carré pour évaluer les performances d’un magasin.

Mais aujourd’hui, si un magasin sert de salle d’exposition – l’acheteur s’y rendant pour noter le style et la taille d’un produit avant de le commander avec son téléphone ou à la maison – le magasin peut être tout aussi performant, mais peut-on attribuer ces ventes à ce magasin spécifique?

Multirésidentiel

Cette année, les coûts de construction et les taux d’intérêt seront les principaux enjeux dans le secteur multirésidentiel. Toutes nos villes ont besoin de plus de logements et lorsqu’on regarde les prix et les taux de location dans les villes, on constate que des mises en chantier sont nécessaires pour répondre à la demande.

Toutefois, les coûts des matériaux de construction et de la main-d’œuvre, auxquels s’ajoute la hausse des taux d’intérêt, posent de gros défis. Les promoteurs du segment multirésidentiel devront faire preuve de beaucoup de créativité et j’ignore si toutes les conditions seront souvent réunies. Les taux d’intérêt doivent se stabiliser pour que nous puissions avoir une meilleure idée de l’évolution des prix. Et la surchauffe du marché du travail devra également ralentir pour que les gens de métier soient moins occupés.

Nous nous retrouverons alors dans un excellent environnement pour la mise en service de nouveaux locaux ou de locaux rénovés, ce que j’aime beaucoup au regard des critères ESG.