ANALYSE POINT CLÉ  BANQUE ROYALE DU CANADA

    • L’an dernier, le nombre des immeubles locatifs du Canada a augmenté à son rythme le plus soutenu depuis 2014.
    • Les taux d’inoccupation sont néanmoins tombés à un point bas de deux décennies, car une immigration élevée et le recul de l’accessibilité à la propriété ont déclenché une hausse de la demande, ainsi qu’une croissance sans précédent des loyers.
    • Toronto et Montréal, deux villes susceptibles de connaître les plus fortes hausses de la demande provoquées par l’immigration, ont subi les plus faibles expansions des offres parmi les principales villes canadiennes.
    • Les objectifs d’immigration du Canada étant fixés à des niveaux records et l’accessibilité restant tendue, la pression risque de ne pas s’atténuer.
    • Conclusion : Faute d’une stimulation marquée des offres de location, le déficit de logements locatifs au Canada pourrait dépasser la barre des 120 000 d’ici 2026, soit quatre fois le niveau actuel. Ainsi, le marché du logement s’en trouvera encore plus déséquilibré et le taux d’inoccupation optimal de 3 % sera encore plus difficile à atteindre.

Au Canada, on a construit des appartements en nombre record l’année dernière

Le nombre de logements locatifs au Canada a explosé en 2022, au rythme de 2,4 %, soit le taux le plus élevé depuis 2014. L’essor n’a jamais été aussi nécessaire. Les difficultés d’accessibilité font chuter les taux d’accession à la propriété à un plancher de 30 ans et les objectifs annuels en matière d’immigration fixés par le gouvernement fédéral devraient progresser de 8 % d’ici 2025. Il est donc peu probable que la forte demande de logements locatifs s’affaiblisse.

La croissance des offres varie d’une région à l’autre à travers le pays. Parmi les six plus grandes RMR du Canada, les plus fortes hausses du nombre des immeubles locatifs ont été enregistrées à Calgary (+7,4 %) et à Ottawa-Gatineau (+5,5 %). Les augmentations les plus faibles ont eu lieu dans les villes les plus peuplées du Canada : Toronto (+2,1 %) et Montréal (+1,4 %). Ces deux centres urbains figurent parmi les destinations les plus populaires pour les nouveaux arrivants et ont accueilli respectivement 32 % et 10 % des immigrants internationaux l’année dernière. La lenteur de la croissance des locations dans ces villes posera particulièrement des problèmes, car la demande de logements locatifs continue de dépasser les disponibilités.

La demande intense a provoqué des hausses de loyers sans précédent

En fait, malgré l’expansion considérable de l’année dernière, le nombre de logements à louer a du mal à répondre à la demande. Les taux d’inoccupation des immeubles locatifs ont plongé à leur point le plus bas depuis 21 ans en 2022, soit à peine 1,9 %. La baisse totale (120 points de base en 12 mois seulement) marque la plus forte diminution annuelle depuis plus de 30 ans. La concurrence acharnée pour les logements a aussi entraîné la plus forte progression annuelle de la croissance des loyers, qui n’a jamais été enregistrée. Le loyer des logements possédant deux chambres a augmenté de 5,6 % dans l’ensemble, surtout à Gatineau (+9,1 %), à Toronto (+6,5 %) et à Calgary (+6,0 %), où la hausse a été parmi les plus fortes au Canada l’an dernier.

Et ce n’est pas le pire. Si l’on examine de plus près le marché des appartements en copropriété locatifs dans certaines des plus grandes villes au Canada, la situation est encore plus tendue. Les taux d’inoccupation des appartements en copropriété locatifs à Ottawa-Gatineau (0,7 %), à Toronto (1,1 %) et à Calgary (1,8 %) comptent parmi ceux les plus bas du pays. Cette situation laisse présager une vive concurrence qui ne fera qu’accentuer la pression sur les loyers.

L’occupation rapide de ces nouveaux logements met en évidence la gravité de l’« écart des logements locatifs », à savoir la différence entre le nombre de logements locatifs prévus au rythme de croissance actuel et le nombre requis pour atteindre l’équilibre (ou un taux d’inoccupation de 3 %) et pour répondre à la demande future. Cela démontre également la stupéfiante vitesse du développement de l’appétit pour les locations. L’immigration reste élevée et le recours au logement locatif se poursuit en raison des difficultés d’accès à la propriété. Nous ne croyons pas que le Canada puisse revenir au meilleur taux d’inoccupation (3 %) avant une véritable explosion des offres.

Au Canada, plus de 120 000 logements locatifs pourraient manquer d’ici 2026

Nous estimons qu’il existe déjà un déficit de 25 000 à 30 000 logements à louer au Canada. Ce chiffre devrait croître de façon exponentielle dans les quatre prochaines années, à mesure que la demande de logements locatifs monte en flèche.

D’ici 2026, le déficit de logements locatifs pourrait atteindre plus de 120 000 unités, soit environ quatre fois l’estimation d’aujourd’hui. Pour éviter cette situation et stabiliser les loyers, le Canada devra donc compléter 332 000 unités de logements locatifs d’ici là. Cela représenterait une augmentation d’environ 20 % du rythme annuel de construction de 2022 (où 70 000 logements locatifs ont été construits).

Il est certain que la transformation d’appartements en copropriétés en logements locatifs, la conversion de bâtiments commerciaux et l’ajout de logements locatifs à des habitations existantes contribueraient à alléger la pression. Cependant, ces mesures ne suffiront probablement pas. La meilleure façon de répondre à la demande actuelle et future, ainsi que d’assurer la stabilité (et, espérons-le, une plus grande accessibilité) du marché locatif, consiste à augmenter considérablement le nombre d’immeubles locatifs.


PAR:  Robert Hogue et Rachel Battaglia


Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales.

Naomi Powell, directrice de la rédaction, Services économiques et leadership avisé RBC, dirige la publication de Point clé.